Chers collègues, chers amis,


C’est avec une grande tristesse que nous avons appris le décès du professeur Bernard AMOR survenu le 3 décembre 2025 à l’âge de 96 ans. Influencé par un stage d’externe en 1952, dans le service de rhumatologie du professeur Layani, Bernard AMOR n’a plus quitté la rhumatologie, sauf pour son service militaire en Algérie, où il a approfondi ses connaissances sur le syndrome de Fiessinger Leroy Reiter et ensuite une formation en biologie médicale et en bactériologie à l’institut Pasteur (conditions posées par le professeur COSTE pour qu’il l’ accepte comme assistant, puis professeur dans son service). Ces formations supplémentaires ont permis au Pr Bernard AMOR d’occuper une position de chef de laboratoire dans l’unité INSERM du service du professeur DELBARRE à l’hôpital Cochin.


C’est ainsi que le Pr Bernard AMOR dès ses débuts a su joindre ses connaissances en recherche translationnelle et en pratique clinique. Sa curiosité et sa rigueur scientifique lui ont fait proposer(avant l’heure) ce que l’on appelle à l’heure actuelle des procédures standardisées, opérationnelles, notamment pour la reconnaissance d’une maladie (critères) et également les outils à utiliser en pratique quotidienne pour le suivi des malades (tous ses élèves qui ont assisté à sa consultation spéciale peuvent en témoigner). D’abord nommé chef du service de réadaptation des affections de l’appareil locomoteur, puis chef du service de rhumatologie B à l’hôpital Cochin , il s’est intéressé aux diverses facettes de notre discipline de la tendinopathie mécanique à l’onco-rhumatologie (même si sa reconnaissance Internationale repose sur les critères de spondyloarthrite qui portent son nom). Ses capacités professionnelles ont fait qu’il a été choisi pour occuper des fonctions lui permettant de défendre notre discipline à l’échelon national (notamment en tant que président de la Société Française de Rhumatologie) et à l’échelon international (en tant que représentant français au sein de l’Union Européenne des Médecins Spécialistes).


Surtout, ses connaissances et sa rigueur scientifique, couplés à son charisme, ont inspiré (aujourd’hui, on dirait qu’il a été influenceur) de nombreux élèves et internes, qui, à ses côtés, ont choisi de devenir rhumatologue. Aucun n’a regretté ce choix et tous sont fiers de faire partie de ce que l’on peut appeler « l’école amorienne de la rhumatologie ».


Nous tenons à adresser à son épouse et à ses enfants nos pensées les plus sincères et la profonde de reconnaissance de la communauté rhumatologique.

Mémoire immunitaire, fibroblastes et immunoception : nouvelles perspectives en rhumatologie

Mémoire immunitaire, fibroblastes ITGA5, immunoception : explorez les dernières découvertes en rhumatologie sur les phénomènes inflammatoires persistants et les nouvelles cibles thérapeutiques qui pourraient en découler.

Mémoire immunitaire, fibroblastes et immunoception : nouvelles perspectives en rhumatologie

Arthrose et immunothérapie : un lien inattendu

Une étude récente (Paiola M et al. J Immunother Cancer 2025;13:e01075) met en évidence un lien entre les antécédents d’arthrose et la survenue d’arthrites inflammatoires induites par les inhibiteurs de checkpoints immunitaires (ICI). Les patients présentant une arthrose radiographique, notamment des grosses articulations (épaules, hanches, genoux), sont plus susceptibles de développer des IRAE articulaires. Ce phénomène serait lié à la réactivation de lymphocytes T mémoire résidents, exprimant PD1, dans les tissus articulaires anciennement lésés.

Fibroblastes ITGA5 : des acteurs clés de la polyarthrite rhumatoïde active

Une autre avancée majeure concerne l’identification de sous-types de fibroblastes dans la polyarthrite rhumatoïde (PR) (Zheng L. et al. Ann Rheum Dis 2025 ; 84 : 232−252). Les fibroblastes exprimant ITGA5, retrouvés dans les formes actives de polyarthrite rhumatoïde, partagent des caractéristiques avec les fibroblastes tumoraux : prolifération, invasion, résistance thérapeutique.

 

Trois phénotypes ont été décrits :

  • Pro-inflammatoires (ITGA5): associés à la phase active de la maladie.
  • Invasifs (T2): capables de migrer vers d’autres articulations.
  • Résolutifs (T3): impliqués dans la fibrose et la résolution.

 

Ces profils cellulaires pourraient devenir des cibles thérapeutiques, notamment via le TGF-β, déjà ciblé dans d’autres pathologies comme la fibrose rénale.

Fibroblastes et douleur persistante : une piste neuro-immunitaire

Chez les patients en rémission clinique mais présentant des douleurs persistantes, les fibroblastes synoviaux expriment des gènes liés à la neurogenèse (Bai et al., Sci. Transl. Med. 2024;16, eadk3506). Leurs sécrétions induisent la différenciation de cellules nerveuses, suggérant un rôle dans la sensibilisation périphérique. Ce mécanisme pourrait expliquer certaines douleurs chroniques sans inflammation active.

Mémoire immunoceptive : le cerveau au cœur de l’immunité

Une troisième forme de mémoire, dite immunoceptive, a été mise en évidence (Kayyal H. Nature Neuroscience 2025; 28, 589–601). Elle relie les signaux sensoriels internes à la mémoire immunitaire via l’insula cérébrale. Des expériences animales montrent qu’un conditionnement sensoriel (ex. : goût de saccharine) peut réactiver une réponse immunitaire, même en l’absence d’antigène. Ce mécanisme pourrait expliquer l’effet nocebo ou les rechutes inflammatoires déclenchées par un simple stress, même en l’absence de stimulus immunologique réel.

 

Ces découvertes redéfinissent notre compréhension des mécanismes inflammatoires chroniques. Elles soulignent l’importance de la mémoire tissulaire, des fibroblastes et des circuits neuro-immunitaires dans la polyarthrite rhumatoïde et ouvrent la voie à de nouvelles stratégies thérapeutiques ciblées.

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